- myricau
Moi Arbre

Moi arbre,
Je vous donne de l’air pur et de l’ombre
Je suis mille fenêtres sur le ciel
Entre mes branches de sienne le bleu le vert
Je frémis aux vents légers et gais
Je grince aux nuits ventées
Ni ne pleure ni ne crie à vos méfaits
Des profondeurs de la terre
Je puise la vie et la sagesse
Moi arbre,
Je me fraie un chemin vers vos fenêtres et vos toits
tapisse votre horizon cerné de béton
Je suis
le paysage de ces lieux pauvres
Les éclats de soleil sur vos façades
Moi arbre qui bruisse sur la ville
J’entends vos grondements de vies affairées
Je perçois vos envies fugaces
Lesté de ma verte placitude
Moi arbre,
Je piège ces mortelles particules
De vos accidentelles voitures
Je grandis, malgré vos blessures,
Et ma sève est gratitude
Je suis le lien à la Terre
Le temps est ma nourriture
Je nais pour servir vos enfants
D’une infinie patience
En cercles concentriques,
en feuilles déroulées puis fanées
Mais vous, qu’en savez vous ?
Si pauvres à me planter
Si avares de votre espace
Ne me mentez plus
Prétendument malade
Quand vous voulez m’abattre
Moi arbre je suis votre forêt
Son souvenir enfui
Celui du mystère des chemins
et des austères sentinelles
Je suis les saisons
Le tapis d’or et de bruns craquant sous vos pas
Le parfum de l’automne et celui du printemps
L’abri des oiseaux
réfugiés des campagnes Bayer-Monsanto
Moi arbre,
à jamais je suis votre ami
Je stocke le carbone patiemment rassemblé
Ne me brulez pas, je suis la maison,
Je suis la chaise, je suis le bâton de marche
Nous avons partagé par ton sang et ma sève
Et par ce coeur gravé
Tes amants et tes rêves
Moi arbre, si vous me laissez libre,
Pour vous, je referai l’humus de vie grouillante
Pour nourrir vos champs et vos jardins
De belle abondance et de patients équilibres
Toutes choses devenues rares
A vous hommes, qui avez détraqué le temps
Moi arbre
je trace l’horizon de canopées lointaines
Je ne sais plus le sens de vos cités anarchiques
Mais quand vous marchez à mes pieds
De belle indifférence
Vous ne le savez pas
Je me penche sur votre front
Pour un baiser fugace
D’une feuille envolée
ou d’un murmure secret
Dans ma conscience d’arbre, je le sais,
j’ai chez les humains
quelques amis tenaces,
je soigne les âmes
et parfois ils m’enlacent